lundi 16 avril 2012

Tabou:

"Qu'il serait malséant d'évoquer, compte tenu des convenances sociales ou morales. Un sujet tabou." (selon le www.larousse.fr)

Jeudi dernier, chez la psy. En parlant, je me rends compte que je vis une douleur qui semble se renouveller éternellement par rapport à mon infertilité... Sur le coup, je m'insurge un peu. J'ai pourtant fait du chemin, non? Le deuil de la grossesse facile, je l'ai fait, je pense... J'ai accepté que ce ne soit pas pour moi comme pour les autres, j'ai accepté qu'on aurait probablement recours à l'adoption, j'ai plus qu'accepté, en fait: je me suis profondément enthousiasmée pour la chose. Bref, je fais du progrès... Non? Alors pourquoi suis-je encore aussi... braillarde?

Comme souvent en thérapie, ça a fini par sortir tout seul. Ce que je n'accepte pas, ce qui continue de me faire aussi mal qu'avant, c'est le tabou que je vis par rapport à tout ça, le tabou qui fait que quand quelqu'un me parle de bébés sans savoir que pour moi c'est un sujet confrontant, je n'ose pas dire à mon interlocuteur comment je me sens, de peur d'etre "déplacée", de peur d'installer un malaise. Et le malaise, c'est moi, au fond, qui reste prise avec. Et c'est moi, aussi, qui va pleurer dans les toilettes.

Bref, on a identifié tout ça bien dans le détail, et ma psy m'a donné comme mandant simplement d'identifier sur le champ les moments où ça se produit: ce qui déclenche mon impression qu'il y a un tabou qui m'empêche de m'exprimer, comment je me sens, comment je réagis, etc.

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Jeudi soir, j'avais un souper chez une amie. Il y avait aussi deux autres amies de cette copine, des femmes qui avaient environ l'âge de ma mère. Qui se sont mises à parler avec joie et fou rires de l'accouchement de la fille de l'une d'entre elles, n'omettant aucune anecdote, se rappelant à quel point la future grand-mère était excitée... Et ajoutant avec enthousiasme qu'il y avait un deuxième bébé en route.

Je continuait d'entendre la conversation, mais je m'étais refermée, et je ne disais plus rien. Je rêvais de simplement dire : écoutez, je ne veux pas gâcher le party avec ma petite expérience personnelle, mais c'est difficile pour moi d'entendre parler de bébé tout en étant légère, enthousiaste et bon public. J'ai perdu mon troisième début de grossesse il y a même pas 5 mois, apres tout...

Mais bon. Dans ma tête, ça a flashé comme en néon. Tabou. Je suis allée respirer dans les toilettes.

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Le lendemain, vendredi. J'ai appris par facebook la seconde grossesse d'une amie. En fait, j'avais masqué cette personne depuis un moment, me disant que je pourrais aller voir son profil quand ça me le dirait, plutôt que de voir des posts d'enfants à des moments inopportuns pour moi. Donc vendredi, je vais voir son profil, et j'apprends qu'elle est enceinte depuis un moment déjà. Et qu'elle n'a pas cru bon me l'annoncer personnellement.

Alors, tabou, ou pas tabou?

J'ai pleuré un peu, et je suis allée courir quelques kilomètres. Au rythme où je suis confrontée à ça ces jours-ci, je vais me mettre en forme sur un temps rare..!

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Dimanche, petit party d'amis de mon copain à la maison. Une des filles présentes s'est mise à me raconter des détails sur le petit garçon qu'elle garde, me disant comme ça qu'elle veut des enfants, mais qu'en attendant que son chum soit prêt, elle est à fond dans le gardiennage. J'ai réussi à tenir en me répétant : faites qu'elle change de sujet, faites qu'elle change de sujet!! Ce qu'elle fit...est-ce que j'ai parlé à voix haute, moi là?!

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Aujourd'hui, je suis allée à la pharmacie chercher ma deuxième plaquette de pilules contraceptives. La pharmacienne, qui d'habitude me reconnait et se souvient que je suis "la fille qui prend du metformin et du femara mais qui n'a ni le cancer du sein ni le diabète", m'a demandé si je venais d'accoucher.

Euh... Tellement pas...

Des informations de mon dossier dans l'ordi l'auront simplement induite en erreur, et je lui ai expliqué que j'avais bien été enceinte, mais que j'avais fait une grossesse ectopique. Je voyais qu'elle se sentait déjà mal de ce malentendu, alors je n'ai évidemment pas osé lui dire : c'est vraiment confrontant pour moi tout ça... Y'a pas moyen d'écrire INFERTILE en grosses lettres rouges dans mon dossier???

Pour les larmes, j'ai attendu d'être dans la voiture. Tabou.

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J'ai hâte que la psy me donne comme mandat de dire tout haut ce que je pense et ressens, à tout moment, n'importe où. Ça fera changement, tiens...

mercredi 4 avril 2012

Brèves nouvelles

J'achève déjà ma première plaquette de pilule anti-bébé. C'est pas le paradis dont je me souvenais: je ne sais pas si c'est dû au fait qu'on m'ait prescrit la plus faible de toutes les pilules, ou bien si c'est juste parce que mes hormones ont eu la vie dure au cours des dernières années, ou bien encore parce que ça faisait déjà une douzaine d'années que je ne l'avais pas prise, mais j'ai eu des symptômes bizarres dernièrement. De l'insomnie, un peu. De la fatigue, pas mal. Un mal au coeur dont je me passerais, et des bouffées de chaleur la nuit... misère, on ne s'en sort donc jamais!!!!

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Je m'applique à songer à l'adoption et à faire le deuil à jamais d'une grosse bedaine. Je farfouine sur le site du SAI, je lis, je trouve la plupart des pays un peu compliqués dans leurs exigences, je trouve le nombre d'inscriptions très bas compte tenu du grand nombre d'enfants dans les orphelinats à bien des endroits, j'ai peur que ce soit immensément long, j'ai peur qu'on choisisse un pays qui se fera fermer à l'adoption juste comme notre tour arrivera, j'ai peur que la malchance me poursuive tout le temps.... mais malgré tout, je ne m'insurge pas trop. Je me fais à l'idée, je pense. Je pense à Taïwan, surtout. Et je croise les doigts pour que Haïti soit réouvert à l'adoption... je pense que c'est dans l'air, mais j'ignore si c'est réellement prévu pour prochainement.

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Sinon, je suis ultra occupée, pour m'éviter de trop penser, un peu, et aussi parce que bon, quand y'a du travail le fun et payant qui se présente, on le prend!! Cet été, il y a au menu: vacances dans le sud avec le chum idéal, autres vacances à la plage avec l'amie idéale ;-)), et magasinage d'une maison (oui bon, je croise mes doigts pour que ce projet-là aboutisse... pour le moment, c'est bien parti, disons.). Donc ça va: tout est en oeuvre, pour le moment, pour que 2012 soit une année moins chiante que 2011! :)

jeudi 15 mars 2012

La pilule

Depuis le 23 janvier, j'attendais mes règles.
...
Tadam! Enfin, elles ont débarqué cette nuit. Je dis enfin, pour deux raisons: la première c'est que dans l'attente, avec l'incertitude, les maux de ventre, j'ai une irrationnelle peur de crever. Tous les "tout d'un coup" sont permis: tout d'un coup qu'il y a un problème avec ma trompe, tout d'un coup que mes maux de ventre ne sont pas des crampes de regles qui arrivent, mais autre chose, tout d'un coup que la cicatrice se rouvre a l'intérieur et se remet à saigner, tout d'un coup que j'ai une surprise miraculeuse dans le ventre sans le savoir et que je refais une geu...

Donc la, voila, j'ai mes règles, je peux avoir l'esprit tranquille!

La deuxième raison, c'est que... J'attendais qu'elles arrivent pour pouvoir recommencer à prendre la pilule. Oui oui, la pilule, l'anti-conceptionnelle, l'anti-bebe, celle qu'on prend quand on n'en veut pas. C'est une décision qui s'est un peu imposée à moi. Je suis incapable de me voir enceinte sans m'imaginer tous les pires possibles, trop habituée à ce que le pire se produise... Donc la pilule, ce sera peut-être juste pour quelques mois, ou peut-être pour plein d'années, pour tout le temps... J'en sais rien. Mais j'ai besoin d'avoir l'esprit tranquille et les ovaires au repos.

Je quitte donc le monde de la pma pour un bout de temps.
Ca va me faire drole. Ca va me faire du bien!

Mon envie d'avoir une famille, elle est ailleurs en ce moment. Un peu au viet-nam, et un peu a Haiti. Je vous en reparlerai;)

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Demain j'aurai 35 ans....!!!


vendredi 9 mars 2012

Post-trauma

Ça fait quoi... Un peu plus de trois mois. La GEU...

C'est fou comme au début, j'ai été bien concentrée sur ma convalescence physique. Je suis retournée assez rapidement à mes activités habituelles, et pourtant je commence juste à me sentir de retour à la "vraie" normale. Disons, au-delà de simplement être capable de me tenir debout!

Et dernièrement, depuis plusieurs semaines en fait, j'ai recommencé a voir ma psy. En fait je vis bizarrement ce "retour à la normale" de ma condition physique. Je me suis mise à avoir des réminiscences de mon hospitalisation... Pas exactement des flashbacks comme dans les films, mais quand même, des souvenirs qui me reviennent, qui peuvent être déclenchés par tout et rien, et dans lesquels il y a des souvenirs de faits et de détails (genre le visage d'une infirmière, lese bruits dans l'urgence, des paroles qu'on m'a dites...) , mais en prime aussi, des souvenirs de sensations... La difficulté à respirer parce que l'abdomen est rempli du sang de l'hémorragie. La sensation de la sonde qu'on m'enlève. Lees larmes que j'ai envie de pleurer, la nuit, seule à l'hôpital, mais que je retiens parce que le simple fait d'avoir la boule dans la gorge me fait mal partout et me fait paniquer.

Bref, autrement dit, le corps est remis, et là, ce sera au tour du reste de guérir... J'ai comme un deuil à faire, qui traîne, et ça m'énerve que ça ne se voie pas.

Je me sens hyper intolérante face aux gens qui visiblement ignorent ce que j'ai vécu. Je ressens le besoin un peu lourd de parler constamment de la gravité de ce qui m'est arrivé, comme s'il fallait que je prouve que ça n'est pas rien. Moi j'ai besoin de me faire dire que c'était bien réel, grave pour de vrai... D'ailleurs j'ai lu plein de trucs sur l'état de choc hémorragique, des articles médicaux expliquant ce qui se passe à ce moment là: tachycardie, baisse drastique de la tension artérielle, déshydratation intense, paleur extrême et bleuissement des lèvres, respiration difficile, les organes vitaux qui manquent d'oxygène... C'est bizarre ce que ça me fait de lire ça: j'y reconnais ce qui m'est arrivé et ce que les docs m'ont dit, c'est un peu pénible de revisiter ces souvenirs, mais en même temps j'en ai besoin, et dans ma tête ça fait "Aha! Je savais que c'était vrai, que je n'exagérais pas, que je n'ai pas inventé ça, que je ne fais pas bêtement la victime qui s'invente des bobos!! "

Et puis aussi, je suis plutôt imperméable aux malheurs des autres en ce moment. D'habitude, je suis plutôt empathique, mais là... À part pour mes amies proches, quand quelqu'un se met à se plaindre qu'il a la gastro, je sais, c'est con et puéril, mais j'ai toujours bêtement envie de faire une compétition de blessures et de dire "euh, ben moi j'ai failli mourir pour de vrai, alors ta gastro, pffff!!"

(oui bon, et j'ai un peu honte d'avouer, mais j'imagine qu'il faut que ça sorte...)

Ma psy m'a dit que c'est du stress post-traumatique... Paraît que c'est normal que ça sorte comme ca, quelque mois après coup.

Et moi, bien... Je trouve que ça fait du sens. Bien sûr, il y a des degrés divers dans tout ça, et de mon côté, c'est quand même léger: je n'ai quand même pas des flashbacks qui m'empêchent de fonctionner ou qui me paralysent...mais bon. Ça fait quand même du bien d'avoir un vrai terme officiel sur ce que vis ces jours-ci, avec quelqu'un qui m'assure que c'est normal.

*****

Vécu dernièrement: dans un spa, je remplis l'habituel bilan de santé, et j'inscris ma grossesse ectopique dans la case "chirurgie". La personne arrive, me reçoit, lit mon bilan et dit : " grossesse ectopique..." Voyant qu'elle n'a pas l'air de savoir ce que c'est, j'explique un peu, chose que je trouve toujours un peu pénible "bla bla, trompe éclatée, hémorragie interne, opération en catastrophe" . Et elle me demande:

"Mais... Est-ce que tes genoux sont corrects?"

Euh...
Bah oui, eux ils sont corrects!!

mardi 14 février 2012

Ça germe

Meuuuuh non, c'est pas moi qui germe! C'est plutot ça:




Je me suis procuré un machin à 3 étages pour faire germer ma luzerne et des pousses de toutes sortes... C'est trop joli! Et c'est du bon miam miam en plus :-)

Moi qui n'ai pas tellement le pouce vert, ou plutôt disons que mon talent est limité de ce côté, ben... C'est chouette de voir ça pousser, facilement.

Je me fais peut-être des histoires, mais on dirait que ça conjure le sort un peu... !
(on se fait sa thérapie comme on peut :-)

mardi 17 janvier 2012

... un livre...?

Dernièrement, il y a une idée qui me trotte par la tête.

***

Les quelques fois où j'ai osé chercher des livres sur l'infertilité, les fausses couches, les ovaires polykystiques, etc, soit dans les bibliothèques ou dans les librairies, j'ai été tellement, mais tellement déçue...

À ma bibliothèque municipale, par exemple, un seul "guide de l'infertile", du genre: "Voilà, maintenant que vous voyez bien que ça ne marche pas, vous allez devoir consulter un médecin qui vous fera passer des tests..." Duh!

A la librairie: de tout, sauf de ça. À en juger par le contenu des rayons, comme société on en sait sur les problèmes de tout le monde, sauf sur celui-là. On a à lire sur l'alcoolisme, sur les itinérants, sur le jeu compulsif, sur le divorce, sur le cancer; on trouve des épanchements sur le vécu de ceux qui perdent leur emploi et se retrouve sur le chômage, qui vivent des difficultés relationnelles, qui souffrent d'une maladie mentale, chronique, d'un hadicap; on connaît tout du vécu des homosexuels-transexuels-transgenres-fétichistes; on a des livres sur "Quoi faire? Mon enfant ne veut pas dormir!!/manger!!/être poli!!/faire ses devoirs de mathématiques!!"...

Tout ça, c'est bien. Tant mieux si tous ces gens ont vu leur expérience reconnue, écrite, analysée, publiée quelque part comme une vraie-réalité-qui-existe-pour-de-vrai...

Mais sur l'infertilité, on ne trouve que très peu, pour ne pas dire "rien", et devant le rayon, on se sent bien seul(e)... Je ne sais pas ailleurs, mais ici, quand on entend parler d'infertilité dans les médias, on se rend compte que les gens n'y connaissent rien et mélangent tout. Pour beaucoup, infertilité égale stérilité, égale fécondation in vitro. La plupart des gens ne connaissent pas la différence entre un traitement inducteur de l'ovulation, une insémination artificielle, et une fécondation in vitro, et je ne saurais le leur reprocher: quand ça ne nous concerne pas, tout ça n'est qu'une vague masse de médecine douteuse de laquelle il résulte généralement des triplés ou quelque chose du genre...

Du coup, ben.. le vécu!! vous n'y pensez pas!!! on n'est comme pas rendus à ce stade d'information!! Quand on entend parler d'infertilité, ou quand on trouve un livre ou un fascicule de base sur la question, c'est pour renseigner sur les éléments de base. C'est pour dire que l'infertilité, ce n'est pas la stérilité, et pour nous apprendre, oh surprise, qu'elle peut être masculine ou féminine (j'exagère à peine...)

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Alors voici: depuis un moment, je songe à regrouper des témoignages, et à réunir le tout en un livre... Voilà, juste ça: pas d'analyses, de théories, de "c'est-la-faute-de-l'âge/des-pesticides/des hormones-dans-le-poulet", pas de manuel sur le fonctionnement du système reproducteur, pas de théories de psychologues sur le désir-d'enfant-possiblement-pas-totalement-assumé, rien de ça. Juste des témoignages sur les divers aspects de ce que l'infertilité peut nous faire vivre, juste un peu de tout, pour qu'un peu toutes les lectrices (et les lecteurs... et leurs entourages aussi) puissent se reconnaître, comprendre mieux, admettre que ça existe et que ça a un impact réel sur la vie de tous les jours.

Aussi juste pour que moi, je puisse un brin transformer mon expérience en positif, en constructif, et vous aussi si vous embarquez... et pour que les autres puissent trouver sur les rayons des librairies un peu de réconfort et se dire "ben voilà, au moins je ne suis pas toute seule, et je suis normale..."

Ce que nous faisons en nous lisant les unes les autres en virtuel, quoi...

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Alors, vous en dites quoi?
Je sors mon québécois et vous demande officiellement: Ça vous intéresse-tu d'y participer??

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En gros: je récolterais les témoignages de qui veut bien, je ferais le tri, vous poserais peut-être quelques questions pour avoir des témoignages sur un peu tous les aspects, et je sais pas la suite... Trouver un éditeur? Faire ça indépendamment? Distribuer le tout gratuitement dans des cliniques pma et des cliniques tout court? J'en sais rien, j'improvise... et je suis ouverte aux idées. Ça mijote encore, là-dedans :)